avant-pop / emo indie / lo-fi chamber

Les sept chansons de Frater Crater se succèdent comme autant de lieux dont l’éclairage varie de l’halogène aveuglant à l’obscurité inquiétante, sans passer par le soleil idéal. Si les musiciens du groupe restent les mêmes – vibraphone, guitare, claviers, batterie et basse – l’instrumentation s’est étoffée pour soutenir le chant d’Antoine Mermet : accordéon et synthétiseurs ont été ajoutés, servant de leviers au déploiement de paysages sonores intrigants. Si de temps à autre un déluge se déclenche, le phénomène s’arrête avant que l’eau n’atteigne les narines : la noyade est encore évitée, mais les vêtements sont alourdis. En d’autres termes, une musique à la fois innovante et accessible, capable de briser le cœur des amoureux de l’évidence mélodique comme de ceux de l’avant-garde : les arrangements sophistiqués et les structures complexes sautent aux oreilles autant que les trouvailles mélodiques d’une efficacité irrésistible. Le tout sonne poussiéreux mais luxuriant, 100% emo et immature : les textes posent des questions sans réponse, détaillent des heures d’immobilité et des envies de superpouvoirs, tandis que la musique fait des allers-retours entre le vide et le trop-plein.

Frater Crater fait ainsi suite à Pierrefilant, un premier album collectif enregistré en 48 heures et sorti en 2018, qui avait suivi la sortie de Building Lampshades, un EP solo synth pop en forme de carnet de croquis, sorti en 2016. Il est porté par un groupe soudé, ni ensemble de chambre, ni groupe de rock, ni tout cela à la fois. On y retrouve des musiciens clés de la scène musicale innovante lyonnaise, qui ont en commun de préférer la créativité au respect des règles.

Quand il n’écrit pas des chansons tristes, Antoine joue du saxophone et chante dans CHROMB ! et explore dans Vocoder ou Bouche Amplifiée. Et quand il ne fait pas de musique, il joue pour Alice Laloy ou Guillaume Bailliart, danse pour Nitsan Margaliot, joue pour Nile Koetting, Megan Cope, collabore aux expositions et performances de Tiphaine Calmettes ou montre son propre travail visuel. La constance et la spécialisation ne sont manifestement pas ses points forts. Saint Sadrill est son projet personnel, un groupe qu’il a formé en 2015 en invitant cinq musiciens et amis qui ont depuis longtemps abandonné la dévotion à une esthétique précise, préférant l’ouverture et l’exploration.